L’âge d’or de la télévision
Afin d’apprécier pleinement notre éphéméride de cette semaine, prenons quelques moments pour discuter de l’âge d’or de la télévision, cette période durant laquelle une nouvelle forme de mass media prend son essor.
Au Canada français, l’âge d’or de la télévision est subjectivement associée à la période entre l’automne de 1952 et l’automne de 1966, soit les quatorze premières années de télédiffusion au Canada, primordialement des émissions en direct, et en noir et blanc. En 1961, avec l’ajout de deux chaînes privées à Montréal, on «double» les choix d’émissions offertes en français et en anglais, passant de deux à quatre chaînes. La technologie populaire pour capter ces émissions étaient les «oreilles de lapin», ces antennes qu’on trouve à l’intérieur de nos domiciles. Certains sont abonnés au service de câblodistribution, qui ajoute les chaînes américaines, CKTM de Trois Rivières (et le cinéma de cinq heures) et CHLT de Sherbrooke (pour Soirée Canadienne avant le hockey du samedi, ou la Lutte Grand Prix le dimanche matin).
La programmation locale évolue également. Le service françâis de Radio Canada tente ses expériences de programmation dans le domaine du sport (la soirée du hockey), des affaires publiques (un jeune René Levesque anime Point de Mire), la vulgarisation scientifique (Fernand Séguin et La Joie de connaître) et la grande vitrine culturelle de Radio-Canada, Les beaux dimanches animée par Henri Bergeron. LBD présentait chaque semaine le meilleur du monde artistique dans chaque genre – variétés, théâtre, musique classique, ballet, opéra, documentaire et long métrage. Les Beaux Dimanches étaient non seulement un reflet de la culture canadienne, mais aussi une scène canadienne pour de grands artistes au talent international.
Nos voisins du Sud connurent, eux, leur âge d’or entre la fin de la deuxième grande guerre et le décès du Président Kennedy, là encore une période d’entre 15 et 20 ans d’expériences en programmation.
Parce qu’en direct, la plupart des émissions offertes avant l’arrivée du magnétoscope (en 1956) ne sont plus disponibles. Toutefois, aux Etats Unis en particulier, on utilise un appareil appelé le kinéscope afin d’obtenir des enregistrements témoin de certaines émissions. C’est une technologie qui, essentiellement, permet de capturer l’image des moniteurs à faisceau cathodique sur une pellicule 16 mm. La qualité d’images est discutable, mais elle est comparable à la qualité d’images disponibles sur les ondes hertziennes captées par les «oreilles de lapin».
Il est difficile de se mettre dans le bain de l’époque, en particulier dans le contexte d'aujourd'hui avec la télé numérique, et de la prolifération des chaînes spécialisées. L’avènement de YouTube s’avère une vitrine idéale pour le partage de ces vielles pellicules kinéscopiques d’antan, restaurées avec amour par les adeptes d’une programmation longtenmps révolue.
L’émission culturelle Omnibus
Les tsars de la programmation américaine, essentiellement privée et asservie aux grandes sociétés d’appareils électroniques comme RCA et Westinghouse, n’avaient pas beaucoup d’intérêt dans la programmation culturelle. Les régulateurs fédéraux tentent d’influencer la programmation, et encouragent les anthologies, ces émissions où on présente à l’époque des télé théâtres, et même de l’opéra. Le géant de l’automobile Ford (par le biais de sa fondation sans but lucratif) commandite une anthologie dédiée aux arts et à la science, diffusé sur la chaîne CBS le dimanche après-midi. Cette série d’émissions, Omnibus, est animée par l'Anglais Alistair Cooke, et présente chaque semaine une émission d’une demi-heure.
Le 14 novembre 1954, une de ces émissions met en vedette le jeune compositeur, chef et vulgarisateur musical Leonard Bernstein, qui y présentera ce qu’il appelle «une curieuse expérience».
Pendant vingt minutes, Bernstein illustre à sa façon la «lutte constante» que fut la composition pour Ludwig van Beethoven, et pour ce faire utilise le manuscrit autographe et les cahiers d’esquisses rejetées de sa fameuse cinquième symphonie. Pour la circonstance, le plancher du plateau arbore une version géante de la partition, et les musiciens de la Symphony of the Air (les vestiges de l’ancien NBC Symphony sans Toscanini) se prêtent au jeu avant d’offrir une lecture du premier mouvement sous Bernstein.
Dans leur site officiel, les archives Bernstein présentent des coupures de journaux, lettres et autres documents qui soulignent le succès de cette expérience.
Ainsi donc, voici l’émission (dans sa version anglaise originale). Un rappel: il s'agît d'une émission "en direct" et il y a des bavures (pouvez-vous les reconnaître?), et l'image souffre à l'occasion de problèmes de luminosité, une caractéristique des bandes kinéscopiques.
En complément de programme, une performance complète de la cinquième, signée Otto Klemperer et la New Philharmonia.
Bon visionnement (et bonne écoute!)
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